18 janvier 2010 – CÉCILE ROUSSEAU
Quand l’État lâche une entreprise de pointe
Derrière les gesticulations de Sarkozy à propos de Renault, le gouvernement se garde bien d’intervenir dans d’autres dossiers. Le cas du site de recherche ST Ericsson, un fleuron des nanotechnologies près de Caen, est exemplaire. Là-bas, tous les appels des ingénieurs surqualifiés sont restés lettres mortes.
« Le président prétend intervenir pour éviter la délocalisation de la production de Renault, pourquoi ne fait-il rien pour nous ? » La question brûle les lèvres des salariés de l’entreprise ST Ericsson. Depuis juin 2009, le site de Colombelles, près de Caen (Calvados), est sous le coup d’un plan social : 114 ingénieurs qualifiés dans la recherche et le développement (R&D) de semi-conducteurs dans la téléphonie mobile sont poussés vers la sortie. D’après la CFDT du site, 150 postes ont été créés dans un centre R&D à Bangalore, en Inde, et une dizaine de postes à Austin, au Texas, pour y délocaliser leurs activités.
Comme pour la marque au losange, la France est actionnaire, au travers d’Areva et à hauteur de 13,75 %, de STMicroelectronics, l’entreprise qui détient 50 % de ST Ericsson. Cette dernière est le fruit de l’union de STMicroelectronics et d’Ericsson, en février 2009. En France des sites ST Ericsson existent au Mans, à Rennes, à Grenoble… Ce mariage a pourtant accouché d’un plan de restructuration mondial de 2 300 postes.
Mais ce qui frappe les ingénieurs, c’est l’attitude du gouvernement : il reste aux abonnés absents. « L’État est membre du comité de surveillance à titre d’actionnaire, il possède un droit de réserve et de blocage pour éviter les licenciements », explique Frédéric, élu CFDT au CE de ST Ericsson. Pourtant, les compétences de l’entreprise dans la R&D sont reconnues et sont présentées comme stratégiques pour le pays. Le ministère de l’Économie, de l’Industrie et l’Emploi a versé 380 millions d’euros à STMicroelectronics, dans le cadre du plan de financement des nanotechnologies, Nano 2012, lancé en avril 2009 par Christine Lagarde.
L’entreprise a aussi profité de réductions fiscales, de crédit impôt recherche en 2009 à hauteur de 200 millions d’euros. « STMicroelectronics cultive une politique de récupération maximale des aides publiques », constate un salarié de ST Ericsson. STMicroelectronics figure aussi comme l’une des candidates favorites éligibles du grand emprunt.
[Lire la suite]