Camus : « C’était un homme libre, libertaire, inféodé à rien, ni à personne ». (Michel Onfray)
Posté par communistefeigniesunblogfr le 5 janvier 2010
4 janvier 2010 – Maurice Ulrich
Il y a cinquante ans mourait Albert Camus
L’auteur de « l’Homme révolté » avait quarante-sept ans. Prix Nobel de littérature, il était hanté par l’absence de Dieu et habité par la liberté humaine.
Quatre janvier 1960. Une Facel Vega s’écrase contre un arbre dans l’Yonne. C’est la voiture de Michel Gallimard, fils de l’éditeur. À son bord sa femme Janine, sa fille Anne et Albert Camus. Michel Gallimard mourra cinq jours plus tard. Camus est tué sur le coup. Il avait quarante-sept ans. On retrouvera dans l’épave son dernier manuscrit, inachevé, le Premier Homme. Il est dédié à sa mère avec ces mots : « À toi qui ne pourras jamais lire ce livre. » Catherine Camus n’a jamais appris à lire. Restée veuve en 1914 après la mort de son mari, modeste employé de la viticulture, mobilisé et blessé au front, elle devra travailler dur pour élever ses deux fils. Lucien, l’aîné, et Albert, né en 1913 à Mondovi, en Algérie. Lorsqu’il lui dédie ce livre, il est prix Nobel de littérature. Il l’a reçu en 1957 et l’a dédié, cette fois, à son instituteur, Louis Germain. C’est lui qui, ayant remarqué les aptitudes du gamin, lui obtiendra une bourse pour entrer au lycée d’Alger. Il y brillera davantage comme gardien de but dans l’équipe de foot que par des résultats exceptionnels, mais il se liera toutefois d’amitié avec son professeur de philosophie, Jean Grenier.
La philosophie. On disputera longtemps à Camus ce terrain. Car, très vite, il en fait beaucoup. Théâtre, adhésion au Parti communiste quitté deux ans plus tard, journalisme à Alger républicain avec une série de reportages sur la misère de la Kabylie. En quelques années, il écrit ses pièces – le Malentendu, les Justes, Caligula ; ses romans – l’Étranger, la Peste, la Chute ; ses essais – l’Envers et l’endroit, le Mythe de Sisyphe, l’Homme révolté. Pendant la guerre, il écrit dans Combat, l’un des journaux de la Résistance, et devient dès l’après-guerre son éditorialiste. C’est à ce titre que, le 8 août 1945, au surlendemain d’Hiroshima, il est le seul, oui le seul, à adresser au monde cette mise en garde : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. »
« … je choisis ma mère »
Certains pensent qu’il en fait trop. D’autres pas assez, quand le conflit en Algérie devient une guerre et que, déchiré, il lancera un jour cette phrase qui semble aller contre son œuvre : « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère. » On a sans doute mal compris, longtemps, l’indifférence de Mersault, le personnage de l’étranger, à l’égard de sa mère : « Aujourd’hui, maman est morte… » Car Camus ne fut jamais l’homme des certitudes ou de la raison totalisante, comme dirait à peu près Sartre. Hanté par la mort et l’absence de Dieu, sa révolte n’est pas contre la condition humaine, mais contre ce qui asservit l’homme. « Nous portons tous en nous nos bagnes et nos ravages. Mais notre tâche n’est pas de les déchaîner à travers le monde. Elle est de les combattre en nous-mêmes et dans les autres. » (L’Homme révolté).
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Source : La revue des ressources.org
Extrait du discours d’Albert Camus à l’Académie Nobel (1957)
Le rôle de l’écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou sinon, le voici seul et privé de son art. Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d’hommes ne l’enlèveront pas à la solitude, même et surtout s’il consent à prendre leur pas. Mais le silence d’un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l’autre bout du monde, suffit à retirer l’écrivain de l’exil chaque fois, du moins, qu’il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence, et à le relayer pour le faire retentir par les moyens de l’art.
Aucun de nous n’est assez grand pour une pareille vocation. Mais dans toutes les circonstances de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de la tyrannie ou libre pour un temps de s’exprimer, l’écrivain peut retrouver le sentiment d’une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu’il accepte, autant qu’il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté. Puisque sa vocation est de réunir le plus grand nombre d’hommes possible, elle ne peut s’accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les solitudes. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s’enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l’on sait et la résistance à l’oppression.
[Article complet : revue.ressources.org]
Dossier Albert Camus du journal La Liberté
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=342401&sid=11640175
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