Pas de véritable démocratie sans liberté de la presse
Posté par communistefeigniesunblogfr le 21 décembre 2009
slate.fr/ – 20 décembre 2009 – Benoît Hervieu, Reporters sans frontières
La chasse aux journalistes est ouverte
La Chronique de Reporters sans frontières.
Regretté dialoguiste aux répliques foudroyantes, Michel Audiard avait sans doute résumé un peu de sa pensée dans cet échange de Mort d’un pourri (Georges Lautner, 1977).
-«Les journalistes sont des vendus, des ordures. On devrait…
-Les acheter…
-… Ou les inviter à la chasse !»
Le mot d’esprit tombe en pleine scène de tir aux canards et la profession incriminée pardonnera à Audiard son sens de l’à-propos.
Or, tout n’est pas que pure fiction ou ressemblance fortuite avec la réalité dans ces petites phrases acides. Les chefs d’État et de gouvernement en ont fait une mode à force de sentir le poil à gratter d’un si noble métier… tant qu’il dérange tout autre que soi. Suiviste quand il faut, courtisan parfois, le journaliste peut vite redevenir ce petit animal fouineur que l’on aimerait corriger d’un coup de semelle quand il assume vraiment son rôle.
L’ambivalence de l’homme public, cajolant «les médias» et conchiant leurs employés – plus rarement l’inverse -, prend un tour plus marqué à l’heure où les nouveaux médias concurrencent la presse traditionnelle et où le citoyen blogueur supplante le journaliste. Où est donc passé ce fameux contre-pouvoir autrefois reconnaissable à ses lettrines de façade, ses ours de bas de page et son personnel encarté? Partout et nulle part. Le constat vaut aussi dans ces pays où un journaliste finit à l’ombre, voire pire, à peine a-t-il eu le temps de se mettre au travail. Le pouvoir se sent débordé. Oui, on s’y perd, tant le coup de sang d’un président contre «les journalistes» en terre démocratique se laisse souvent comparer à la colère d’un autocrate qui les surveille, les enferme ou les fait pendre.
«Les journalistes, ce sont des nullards, il faut leur cracher à la gueule, il faut leur marcher dessus, les écraser. Ce sont des bandits. Et encore, les bandits, eux, ont une morale.» De qui, cette douceur? D’un général birman? D’un prince saoudien? D’un potentat turkmène? Vous n’y êtes pas: elle est attribuée à Nicolas Sarkozy soi-même. Le président français s’y connaît pourtant en média où il ne manque pas d’amis. La petite phrase ne devait certes pas sortir d’un comité restreint entre hommes politiques de confiance. Peine perdue depuis l’édition du Canard enchaîné du 15 avril 2009! La confiance en politique a ses limites et le dogme du «off» ne résiste pas à ces petites transgressions qu’on appelle des fuites.
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