L’Humanité – 7 novembre 2009 – Laurent Mouloud
Moins de carte scolaire, plus de ghettoïsation
Un rapport de la Cour des comptes pointe les effets délétères de l’assouplissement de la carte scolaire.
Ce ne sont plus les enseignants et les syndicats qui alertent. Mais la très officielle Cour des comptes. L’assouplissement de la carte scolaire, instaurée en 2007, loin de favoriser la mixité sociale, renforce au contraire la ghettoïsation des collèges les plus en difficulté. Ce constat navrant a été dressé mardi dernier par Jean Picq, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, au détour d’un rapport sur les dispositifs éducatifs dans les quartiers sensibles, présenté devant la commission des Finances du Sénat.
Selon lui, sur les 254 collèges « ambition réussite », 186 ont perdu « jusqu’à 10 % » de leurs élèves. Ce chiffre est une extrapolation tirée de l’étude de six collèges répartis dans trois académies. Il n’en constitue pas moins la première confirmation chiffrée d’un phénomène déjà largement constaté sur le terrain. Plus inquiétant : les enfants dont les familles ont décidé de ne pas les inscrire dans le collège de secteur sont généralement les meilleurs. Résultat : les établissements boudés, privés de leurs « têtes de classe », se retrouvent avec une concentration plus importante d’élèves en difficulté ! À terme, prévient le rapport, le risque est grand de constituer de véritables « ghettos scolaires ». Jusqu’ici, le ministre de l’Éducation, Luc Chatel, s’était gardé de donner des chiffres globaux sur les effets de l’assouplissement de la carte scolaire. Le voilà, aujourd’hui, contraint de promettre « une étude détaillée d’ici à la fin de l’année ». Elle est attendue de pied ferme.
Laurent Mouloud
A Avignon, suite à la suppression des secteurs scolaires, le collège Paul Giéra a été fermé.
Ce collège était le dernier service public situé dans le quartier le plus déshérité d’ Avignon qui a d’abord vu la fermeture du poste de police, puis du centre social et enfin de la Poste . Le collège fermé, ce quartier est devenu un « désert des services publics ».
Par ailleurs, la fermeture de ce collège a entraîné de nombreux problèmes au collège Mistral qui a reçu, en septembre 2009, 200 des 385 élèves de Paul Giéra :
« 1) En l’espace d’une seule rentrée scolaire, le collège Mistral a scolarisé plus de 200 enfants supplémentaires et compte aujourd’hui plus de 560 élèves répartis dans 24 divisions dont une UPI et une classe de primo-arrivants. Mais 24 divisions ne correspondent pas à 24 salles quand on sait la nécessité de faire des groupes de langue et dans les sciences expérimentales ( S.V.T, Physique-chimie, Technologie ). Le constat est simple : les salles ne sont pas assez nombreuses. Ces contraintes structurelles imposent au collège Mistral de ne pas compter plus de 20 divisions l’année prochaine. Cette exiguïté des locaux a déjà des incidences sur le bon déroulement des cours d’E.P.S du lycée en raison des élèves du collège qu’on laisse dans la cour parce que les salles de permanence sont combles et ne peuvent plus les accueillir.
2) D’autre part, il apparaît à l’ensemble des professeurs que les différences de niveau scolaire posent de très grandes difficultés pédagogiques. Dans des classes de 27, parfois de 30 élèves en langue, la gestion de l’hétérogénéité est insurmontable. Nous ne pouvons en même temps assurer des cours de haut niveau pour des collégiens qui le demandent et répondre aux besoins de trop nombreux élèves ( près de la moitié des effectifs des classes ) en très grande difficulté scolaire. L’inquiétude des enseignants est déjà grande car dans certaines classes une dynamique vers le bas de moins-value pédagogique se met en place. Cette situation est particulièrement insupportable quand elle met un professeur face à son échec et à son impuissance. » (Source : aix.snes.edu/)