L’insurrection parisienne
Depuis le 6 juin, les armées alliées étaient contenues en Normandie par la résistance acharnée de la Wehrmacht. Enfin après deux mois de combats meurtriers, le 31 juillet, elles font sauter le verrou d’Avranches. Désormais, la porte est ouverte pour la conquête de la France.
Pour l’ensemble de la population, la défaite de l’Allemagne ne fait plus guère de doute. Le 10 juin, le comité militaire national (CMN) des F.T.P. ordonne l’offensive générale de la guérilla et la liquidation des troupes de Darnand. L’ordre du jour n°2 précise :
« La clé de la victoire se trouve dans la rapidité avec laquelle la mobilisation, l’encadrement, l’armement et l’entraînement au combat de millions de Français et de Françaises seront réalisés…«
La Résistance multiplie alors les sabotages à Paris et dans la banlieue apportant, jour après jour, de nouveaux témoignages d’une libération imminente.
Manifestation du 14 juillet à l’appel du C.N.R. : « Le signal du redoublement du combat [...] Un acte de guerre contre l’envahisseur [...] Journée de préparation de l’insurrection nationale. » (J. Debû-Bridel, de Gaulle et le Conseil national de la Résistance, p. 267 in Histoire de la France contemporaine, Tome VI)
La CGT sert d’état-major à la grève insurrectionnelle. Les cheminots donnent le départ le 10 août, avec comme mot d’ordre : « Pour faire reculer le Boche : grève. pour l’aboutissement de nos revendications : grève. Pour la libération totale et définitive du pays : grève. »
Cheminots en grève du dépôt des Batignolles
Au même moment,le CMN dirigé par
Charles Tillon donne l’ordre d’insurrection aux FTP parisiens.
Du 14 au 18 août : « deux mille Allemands hors de combat ; cent camions détruits, plusieurs dépôts d’armes enlevés ». (Rapport de Rol Tanguy, commandant de la région de Paris des F.F.I., le 19 août, J. Debû-Bridel, de Gaulle et le Conseil national de la Résistance, p. 155 in Histoire de la France contemporaine, Tome VI)
Le dénouement est proche ; les grèves des gendarmeries d’Île-de-France (13 août) et de la police de la région parisienne (15 août) sont décidées par leurs organisations de Résistance.
Le 15 août, Rol Tanguy appelle toutes les forces gouvernementales
à se ranger aux côtés des FFI et à refuser toute opération de maintien
de l’ordre ennemi.
Le 17 août, le commandant Gallois, envoyé par Tanguy, établit la liaison avec l’armée américaine et la IIe D.B. du général Leclerc qui ont libéré Dreux et Orléans et franchi la Seine à Meaux et Melun.
Le 18 août, les élus communistes de la région parisienne appellent « à l’insurrection
libératrice ». (Lire l’appel)
Le 19 août, Alexandre Parodi , délégué général du Gouvernement provisoire de la République Française, assiste à la réunion du Conseil National de la Résistance et donne son accord à l’appel à l’insurrection malgré l’instruction précise de ne pas la déclencher sans ordre express du général Koenig. Il accepte également que l’ensemble des formations de résistance ainsi que toutes les forces de police et de gendarmerie soient placées sous les ordres du Colonel régional Rol Tanguy.
Investi de ce commandement, Rol Tanguy décrète la mobilisation des Parisiens de 18 à 50 ans et appelle aux armes. Dès lors, l’insurrection est enclenchée alors que le rapport des forces au plan purement militaire est nettement défavorable aux résistants. Les moyens militaires de la résistance se limitent, en effet, à quelques mitrailleuses, 250 fusils-mitrailleurs, 250 mitraillettes, 1500 fusils et à de nombreux revolvers.
Dans son livre « Libération de Paris« , Rol précise :
« Notre préoccupation dominante était d’exclure toute aventure.[...] Pour cela, il fallait éviter d’engager un combat singulier entre les forces armées de la Résistance et la garnison allemande. Il s’agissait de paralyser celle-ci, de l’investir, finalement de l’acculer à la reddition. Une fois, le combat engagé, il ne fallait pas laisser passer une heure sans prendre une initiative, sans remporter un succès , même ténu… Pour atteindre cet objectif, une mobilisation en profondeur était indispensable : LE SUCCÈS ÉTAIT FONCTION DU NOMBRE.«
Dans le même esprit, son ordre général de mobilisation donnait aux FFI de la région parisienne la mission « d’ouvrir la voie de Paris aux armées alliées victorieuses et de les y accueillir« .
Tous ces facteurs, militaires et politiques, concourent à ouvrir, le 19 août, la phase
ultime du combat, d’un combat ouvert et généralisé.
Sources : La Revue de la Résistance n°14 / Histoire contemporaine de la France, Tome VI
à suivre…