François Fillon « revisite » la fonction de premier ministre
Posté par communistefeigniesunblogfr le 9 juillet 2009
Lu sur Mediapart – 8 juillet 2009 – Mathilde Mathieu
François Fillon rétrécit le premier ministre
Extrait
Mercredi 8 juillet, en plein milieu de son discours à l’Assemblée nationale, François Fillon s’est livré à des «aveux» inattendus. Il a prononcé deux phrases qui n’auraient pas dû passer inaperçues. Alors même que le premier ministre, à la tribune, répondait à la motion de censure déposée par les socialistes (visant à renverser le gouvernement), il a fait hara-kiri en direct – ou presque. En quelques mots, il a définitivement abdiqué devant l’hyperprésidence et sanctuarisé l’abaissement de sa fonction. Voici comment.
Vers 15h30, le patron du gouvernement commençait tout juste à détricoter la motion de censure, conçue comme une réplique à l’intervention de Nicolas Sarkozy devant le congrès de Versailles. Comme le PS y dénonce une «dérive institutionnelle», «une concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul», un «effacement» croissant du premier ministre au sein de l’exécutif, François Fillon a lancé, pensant rassurer son auditoire: «Nous n’avons pas changé de république! Conformément à l’article 20 de notre constitution [qui définit les pouvoirs du gouvernement], le premier ministre reste chargé de conduire la politique de la nation.»
Pour des spectateurs non avertis, rien de scandaleux a priori. Même dans l’hémicycle, personne n’a semblé moufter. François Fillon a donc poursuivi tranquillement…
Le problème, c’est que l’article 20 (clef de voûte des institutions de la Ve République) n’a été cité qu’à moitié. François Fillon a tout bonnement choisi d’éradiquer un terme. En effet, le texte de 1958 prévoit ceci : le gouvernement «détermine et conduit la politique de la Nation». C’est justement le premier verbe («déterminer») qui fait du premier ministre un acteur à part entière de l’exécutif. Sans lui, le chef du gouvernement se contente de «conduire», sans rien définir, ni décider; sans ce terme, l’hôte de Matignon n’a plus – c’est tautologique – aucune action déterminante sur le cours politique et se contente d’accompagner son équipe sur la route tracée par l’Elysée.
Cette modification substantielle, c’est justement celle qu’avait souhaitée Nicolas Sarkozy après son arrivée au pouvoir, à l’été 2007. Il avait réclamé que la «modernisation» des institutions engagée «rectifie» l’article 20 – pour «clarifier» la répartition des rôles au sein de l’exécutif, disait-il. En réalité, il s’agissait pour le chef de l’Etat de s’approprier, de siphonner les pouvoirs du premier ministre. Sa propre majorité, bien au-delà des gaullistes historiques, s’était aussitôt braquée.
C’est finalement le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, qui avait flingué la «lubie» présidentielle, en relayant les haut-le-cœur des députés: «On ne va pas changer la constitution parce qu’une personnalité en place a tel trait de caractère ou tel mode d’action, avait-il déclaré. Sinon, où va-t-on!» Sous la pression de son camp, Nicolas Sarkozy avait donc renoncé à modifier l’article 20. Au grand soulagement de la gauche, la fonction de premier ministre dans son acception traditionnelle avait été sauvegardée, au moins sur le papier. La digue n’avait pas cédé.
Or mercredi, en assumant devant la représentation nationale de tronquer la Loi fondamentale et de «revisiter» le rôle officiel du premier ministre, François Fillon a travesti la réforme des institutions adoptée à l’été 2008. Rien, en plus, n’est dû au hasard dans sa formulation: la version écrite de son discours, distribuée aux journalistes, correspond parfaitement aux mots prononcés; l’extrait (censuré) de l’article 20 y était même cité entre guillemets.
François Fillon a ainsi apporté une réponse définitive aux élus PS, inquiets d’une éventuelle «dérive institutionnelle», fixés désormais…
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