Traité de Lisbonne : la Cour constitutionnelle allemande suspend sa ratification en raison d’un « déficit démocratique structurel »
Posté par communistefeigniesunblogfr le 2 juillet 2009
Publié dans l’Humanité – mercredi 1er juillet 2009
Berlin suspend sa ratification du traité de Lisbonne
Allemagne . La Cour constitutionnelle met en cause les carences démocratiques de la transposition en droit national du texte européen.
Nouveau contretemps surprise dans le processus de ratification du traité de Lisbonne : la Cour constitutionnelle allemande a annoncé hier qu’elle suspendait la ratification de l’Allemagne – adoptée il y a quelques mois par voie parlementaire – tant qu’une loi d’accompagnement préservant les droits du Bundestag et du Bundesrat n’était pas promulguée.
Agissant sur des plaintes déposées par des députés de Die Linke, d’un côté, et de la droite eurosceptique, de l’autre, la Cour a certes jugé que le traité était « compatible » avec la Constitution. Mais pour ajouter aussitôt que son adoption devait être conditionnée à celle d’un nouvel arsenal législatif national, afin que Bruxelles ne puisse empiéter sur les droits des citoyens. Autrement dit : si les juges vers lesquels tous les regards des « élites » européennes étaient tournés n’ont pas condamné le texte, ils n’en ont pas moins exprimé le besoin de le border sérieusement pour préserver les droits des citoyens.
La décision illustre en fait une nouvelle fois les terribles carences démocratiques du texte européen, lesquelles carences ont été l’une des raisons majeures de son rejet dans les opinions à chaque tentative de greffe depuis quatre ans. Après la présentation infructueuse du traité constitutionnel fixant la construction européenne dans un cadre de marbre libéral, recalé par les référendums français et néerlandais, son clone adopté à Lisbonne est ainsi soumis à un véritable parcours du combattant. Son sort dépend, on le sait, d’une nouvelle consultation du peuple irlandais, prié de revoter à l’automne après avoir dit « non » une première fois. Et maintenant voilà que la Cour constitutionnelle allemande relève elle-même de graves manquements démocratiques.
L’arrêt des juges de Karlsruhe, siège de la Cour constitutionnelle, est en effet on ne peut plus explicite. Il souligne qu’en raison d’un « déficit de démocratie structurel » au niveau de l’Union européenne (UE), les droits de codécision du Parlement allemand doivent être clairement inscrits dans une loi. Aux yeux de la cour, ce serait le seul moyen de « garantir l’efficacité du droit de vote » des citoyens allemands et de « veiller » à ce que l’UE « n’outrepasse pas les compétences qui lui ont été octroyées. »
Une course de vitesse est désormais engagée à Berlin pour que la loi d’accompagnement exigée par la Cour, soit élaborée et ratifiée par le Bundestag le plus vite possible. Les partis de la grande coalition (CDU et SPD) se sont réunis en urgence et la chancelière Angela Merkel a aussitôt fait annoncer que le Bundestag serait prié d’interrompre sa pause estivale pour siéger le 26 août et lancer le processus de ratification de la loi afin qu’elle puisse être promulguée au plus tard le 8 septembre. Tout nouveau délai pourrait avoir un effet calamiteux sur la suite du processus de ratification en Irlande et ailleurs (voir encadré ci contre). Mais aussi sur les législatives prévues outre-Rhin à la fin du mois de septembre.
En dépit de la très large majorité dont dispose les partis sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates, il n’est pas exclu que ce processus de ratification à l’arraché ne suscite des réactions fortes au sein de l’opinion publique. Selon de récents sondages, une immense majorité de citoyens (de 70 % à 85 % des personnes interrogées) continuent de se prononcer pour la tenue d’un référendum sur le sujet ; dont l’issue, selon tous les observateurs, s’annoncerait très incertaine. L’organisation d’une consultation populaire serait pourtant « le seul moyen », souligne Die Linke, de rendre sa « légitimité perdue » au processus de ratification. Et il n’est pas certain que le débat n’interfère dans la campagne des législatives. Ce qui, fait-on observer au siège de Die Linke, à Berlin, n’est naturellement pas de nature à rassurer « les partis du consensus néolibéral. »
Bruno Odent
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.