La Commune de Paris
Une œuvre toujours au cœur de l’actualité
« J’envisage le sublime avenir qui s’ouvrira pour nos enfants », Charles Delescluze (1809-1871)
Quelques extraits du texte de Claude Willard, président de l’association « Les Amis de la Commune de Paris »
La Commune demeure ensevelie sous une chape de silence, bien qu’elle soit ou plutôt parce qu’elle est porteuse de valeurs, valeurs battues en brèche par les héritiers de ceux qui massacrèrent les Communards.
Une œuvre très novatrice
Bien que bornée par le temps et absorbée par les impératifs militaires, l’œuvre de la Commune est d’une richesse foisonnante.
La Commune entend réaliser l’aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle : » l’émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes « . Fidèle à la Constitution de 1793, qui assignait à la société politique l’objectif d’établir » le bonheur commun « , la Commune se veut » la Sociale « . Répondant aux aspirations populaires, elle abolit le travail de nuit, interdit les amendes et retenues sur les salaires, combat le chômage, interdit l’expulsion des locataires (par ailleurs exonérés des termes encore dus), exerce un droit de réquisition sur les logements vacants.
L’armée est remplacée par la Garde nationale, c’est-à-dire le peuple en armes, élisant ses officiers et sous-officiers.
La Commune établit la gratuité de la justice, la liberté de la défense, supprime le serment politique des fonctionnaires et magistrats, eux aussi élus et révocables.
Les Églises séparées de l’État, la Commune instaure l’école laïque, gratuite et obligatoire, crée un enseignement professionnel, y compris pour les filles, et entame une réforme de l’enseignement. Pour en débattre démocratiquement, se réunissent dans plusieurs écoles instituteurs, parents d’élèves et membres de la Société pour l’Education nouvelle (soucieuse de rénover l’enseignement).
La Commune est aussi pionnière de l’éducation populaire. Elle instaure des cours publics, que Louise Michel évoquera avec enthousiasme : » Partout les cours étaient ouverts, répondant à l’ardeur de la jeunesse. On y voulait tout à la fois, arts, sciences, littérature, découvertes, la vie flamboyait. On avait hâte de s’échapper du vieux monde. » La Commune rouvre bibliothèques, musées, théâtres. Les concerts donnés aux Tuileries sont très prisés. Dans cet épanouissement de la culture populaire, un rôle important est dévolu à la Fédération des Artistes (avec Courbet, Daumier, Manet, Dalou, Pottier…), qui place en tête de son programme » la libre expansion de l’art, dégagé de toute tutelle gouvernementale et de tous privilèges « .
Tout, certes, n’est point réalisé. Mais que d’anticipations !
La Commune n’est pas morte !
La répression est féroce, à la mesure de la peur et de la haine des classes dirigeantes : 25 000 à 30 000 massacrés (dont femmes et enfants), 36 000 prisonniers, 4586 déportés en Nouvelle-Calédonie.
Et pourtant, comme le chante Eugène Pottier,
» Tout ça n’empêch’pas, Nicolas,
qu’la Commune n’est pas morte »
Victor Hugo exprime la même pensée : » Le cadavre est à terre, mais l’idée est debout. »
Dans le court terme, le spectre de la Commune hante les » réalistes » (tel le Versaillais en chef, Thiers) et, par là, contribue à faire échouer les tentatives de restauration monarchique. Comme le prévoyait Jules Vallès : » Avec nos fusils d’insurgés, nous avons calé la République. » Sans parler des futures réalisations de la IIIe République, en premier lieu, la laïcité de l’école, longtemps propre à la France.
Mais surtout, comme la Révolution française, la Commune constitue un événement fondateur. Elle inspire le mouvement ouvrier international, de la Commune de Carthagène en 1873 à la Révolution russe de 1917, à la Révolution spartakiste, à la Commune de Canton de 1927 et à la révolte du Chiapas aujourd’hui. Elle marque en profondeur tout le mouvement ouvrier français de la fin du XIXe et du XXe siècle, élément de ses spécificités. Elle hante encore la genèse du Front populaire, la Résistance et mai 1968, nos combats d’aujourd’hui et demain.
L’œuvre de la Commune demeure d’une extraordinaire actualité parce que, viscéralement démocratique, elle a su, dans les termes de son époque, poser et essayer de résoudre des problèmes qui nous tenaillent toujours. Certes, à temps nouveaux, solutions neuves. Si jamais l’histoire ne se répète, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.
Dans notre univers inégalitaire, inhumain, dominé par le pouvoir de l’argent, prônant le culte de la réussite individuelle, et où le ventre de la » bête immonde » engendre toujours racisme, xénophobie, fanatisme, redonnons chair et vie au triptyque gravé de façon très formaliste au fronton de nos édifices publics : Liberté, Égalité, Fraternité.
L’association des Amis de la Commune de Paris, héritière de La Fraternelle créée par les Communards à leur retour d’exil, a pour but de faire fleurir son héritage, si fécond pour nos combats d’aujourd’hui et de demain.
Lire le texte intégral sur :
http://lacomune.club.fr/pages/parent.html
Vidéos
http://www.dailymotion.com/video/x1myck
http://www.dailymotion.com/video/x1oh2e
http://www.dailymotion.com/video/x1oh2e
De nombreux textes sur :
http://hypo.ge.ch/www/cliotexte//html/france.commune.html
La répression.
« La tuerie a été atroce. Nos soldats ont promené dans les rues une implacable justice. Tout homme pris les armes à la main a été fusillé. Les cadavres sont restés semés de Ici sorte un peu partout, jetés dans les coins, se décomposant avec une rapidité étonnante, due sans doute à l’état d’ivresse dans lequel ces hommes ont été frappés.
Paris depuis six jours n’est qu’un vaste cimetière. »
in É. Zola, dans Le Sémaphore de Marseille du 29 mai 1871.
Un soldat versaillais a raconté à Maxime Vuillaume comment fonctionnait » l’abattoir du Luxembourg « .
« Depuis l’entrée des troupes, on fusillait sans relâche. On fusillait derrière ces bosquets, dont le vert feuillage m’était apparu et que je revoyais criblé de gouttes de sang. Là, c’était un simple peloton. Quatre par quatre. Contre un mur, contre un banc. Et les soldats s’en allaient, rechargeant tranquillement leurs fusils, passant la paume de la main sur le canon poussiéreux, laissant là les morts.
On fusillait aussi autour du grand bassin, près du lion de pierre qui surmonte les escaliers menant à la grande allée de l’Observatoire.
- Et tous ces morts, qu’en fait-on ?
- Tous ceux qu’on a fusillés jeudi, le jour où vous y étiez, on les a enlevés la nuit suivante. De grandes tapissières ont été amenées. Je crois qu’on a tout emporté à Montparnasse (…)
- Et, lui demandai-je, on fusille toujours ?
Le sergent fixa sur moi ses yeux étonnés. Nous étions, autant qu’il m’en souvienne, à la matinée de dimanche, à la dernière agonie de la bataille.
- Certainement, me répondit-il. On n’a pas cessé depuis que nous sommes entrés à Paris. Ah! vous n’avez rien vu. Moi, j’ai commencé à voir cela à la Croix-Rouge On en a fusillé là un paquet, surtout des officiers.
Brusquement des cris éclatèrent en bas, au-dessous de nous. Le sergent se mit à la fenêtre.
- Voilà une bande de prisonniers, dit-il sans se retourner. On les conduit certainement au Luxembourg.
Les prisonniers, qui venaient du Collège de France, étaient bien une cinquantaine (…). Une foule hurlante suivait. Et j’entendis distinctement le cri féroce :
A mort ! A mort ! Au Luxembourg !
On en amène comme ça tous les quarts d’heure, dit le sergent. »
in Maxime Vuillaume, Mes cahiers rouges au temps de la Commune
Marc Ogeret : La semaine sanglante
La Commune de Paris en images sur :
http://www.parisenimages.fr/fr/un-evenement-en-photo.html?sujet=commune
« Le cadavre est à terre,
mais l’idée est toujours debout. »