Article publié dans l’Humanité
CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France)
Devant le CRIF lundi soir, le premier ministre a violemment tancé les opposants à sa politique, dans un amalgame scandaleux avec les auteurs d’actes racistes.
François Fillon a trouvé une tribune inattendue pour lancer une charge violente contre les mouvements sociaux et tous les opposants à sa politique, lundi soir : celle du dîner annuel donné par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Dans un singulier mélange des genres, le premier ministre a mis en cause, pêle-mêle, parmi les « périls » qui menacent la République, « l’agressivité de groupes extrémistes » qui s’illustre par un regain de l’antisémitisme, mais aussi les « revendications irréalistes qui semblent totalement ignorer la crise », les « déclarations intempestives où l’on voit poindre la recherche de boucs émissaires » et les « manœuvres d’une extrême gauche à qui la démagogie ne coûte rien »…
Récupération éhontée
Syndicats préparant la mobilisation unitaire du 19 mars, collectifs unis contre la vie chère dans les DOM, opposition parlementaire, élus locaux contre la réforme Balladur de dépeçage territorial : chacun reconnaîtra les siens dans ces attaques qui les accusent « d’aiguiser inutilement nos légitimes différences politiques et intellectuelles ». Pour Fillon, applaudir la politique du gouvernement censée « soutenir l’emploi, défendre nos entreprises, relancer l’investissement, sécuriser notre système bancaire », c’est faire preuve d’un « esprit de civisme » contre « la peur, la haine et la division » (sic). Rien de moins ! « C’est en somme, l’aptitude à se rassembler autour des enjeux essentiels, a-t-il ajouté. (…) Si chacun se replie sur ses intérêts catégoriels, si chacun réclame toujours plus alors que l’État est à la limite de ses moyens, si chacun cède à la peur des adaptations au lieu de s’en saisir, alors la France affrontera de grands périls ».
François Fillon ne recule pas au passage devant la récupération et le détournement éhonté de l’inquiétude manifestée par le CRIF pour enrôler les juifs de France sous la bannière du gouvernement, dont le devoir est « de repousser les surenchères qui risquent de gâcher les conditions du redressement de notre pays. (…) Nous avons le devoir de faire preuve de courage et d’intelligence, dont je sais que la communauté juive est familière ». CQFD.
Recrudescence de l’antisémitisme
Pourtant, le propos du président du CRIF, Richard Prasquier, était tout autre : « C’est une alarme que je vous lance à contrecœur mais de façon solennelle : l’antisémitisme est de retour », a-t-il lancé. « Le mois de janvier 2009 a vu dans notre pays (…) une explosion de haine d’une virulence alarmante », avec 352 actes antisémites recensés, contre 459 pour 2008. En réponse, le premier ministre a annoncé son intention de « durcir la répression des actes racistes et antisémites » et la création d’une « mission sur l’antisémitisme et le racisme dans les réseaux numériques ».
Sébastien Crépel