Partage de la valeur ajoutée : Touchez pas aux profits !
Posté par communistefeigniesunblogfr le 23 février 2009
Extrait de l’article de Martine Bulard – Monde diplomatique – 20 février 2009
Partage de la valeur ajoutée
Touchez pas aux profits !
Devant l’évidence de la crise – et plus encore celle de la montée du mécontentement –, M. Nicolas Sarkozy a dû reconnaître que le pouvoir d’achat n’était pas une question accessoire. D’où la suppression des deuxième et troisième tiers provisionnel pour les familles ayant un revenu déclaré inférieur à 11 673 euros par an, le relèvement de l’indemnisation du chômage partiel, et la prime (500 euros) pour les chômeurs n’ayant travaillé que deux à quatre mois au cours de la dernière année – un coup de pouce toujours bon à prendre, mais très en dessous des besoins.
Une fois touchés les 500 euros, les jeunes précaires qui n’ont pas droit au RMI se retrouvent toujours aussi démunis. Pour les 2,1 millions de contribuables qui ne paieront pas d’impôts sur le revenu d’ici la fin de l’année, cela représente un gain compris entre 20 euros pour un célibataire et 260 pour une famille de cinq personnes : ce n’est pas négligeable, mais pas vraiment de quoi faire des folies.
Au total, les mesures proposées représenteraient, selon le président de la République (il faut attendre les modalités concrètes pour vérifier) 2,6 milliards d’euros. A comparer avec les 15 milliards du « paquet fiscal », incluant le « bouclier » du même nom, ou les 26 milliards d’euros précédemment annoncés au nom de la relance de l’investissement… Sans oublier les projets de nouvelles réductions des contributions patronales, qui seront compensées par une hausse des impôts pour tous : suppression de la taxe professionnelle d’ici 2010 (11,4 milliards d’euros) ; exonération des cotisations servant pour les allocations familiales (30 milliards d’euros) (1).
Mais surtout, les mesures sarkozystes ne touchent pas aux fondements même de la crise, née de la déflation salariale et d’une montée sans précédent des inégalités. Avant de faire de la mousse médiatique autour d’un éventuel partage des profits grâce à l’intéressement (exonéré de cotisations sociales), mieux vaudrait se poser la question d’un rééquilibrage du partage des richesses créées : la valeur ajoutée (2). Le patronat et ses porte-voix politiques s’y opposent – ce que l’on peut comprendre. Plus surprenante est la ronde des « experts » et des journaux se prétendant de gauche qui se joignent au concert. A en croire ces grands esprits, la part des salaires et des cotisations serait stabilisée à son étiage historique, et n’expliquerait en rien la crise économique et financière que nous connaissons. Les salariés n’auraient donc aucune raison de réclamer plus. Et de citer cette phrase d’un économiste « alternatif », paraît-il : « Si on admet que la bosse des années 1974-1986 est davantage un accident historique qu’une norme de référence, il apparaît que les années récentes se situent à peu près un point au-dessus de la moyenne 1959-1973. » En effet, si l’on enlève les périodes où ça grimpe, la hausse est moins forte…
Les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) témoignent d’une autre réalité. La part des salaires augmente lentement de 1960 à 1970, passant de 66,3 % à 69,7 % de la valeur ajoutée brute ; puis elle grimpe plus rapidement (notamment après les hausses de 1968) pour atteindre 74,1 % de la valeur ajoutée en 1982. Après le tournant de la rigueur de 1983, elle chutera à 63,5 % en 1998, avant de remonter très légèrement depuis. En 2007, elle était de 65,1 %. Encore ces données comprennent-elles les très hauts salaires des dirigeants d’entreprises, qui ont augmenté plus vite que le salaire moyen.
(1) Discours du président de la République, le 13 février 2009. Une commission d’étude présidée par le député UMP Yves Bur est mise en place.
(2) La valeur ajoutée représente le chiffre d’affaires d’une entreprise, moins tout ce qui a été nécessaire à la production (matières premières…). Elle se partage entre d’une part les salaires et cotisations, et d’autre part les profits bruts (avant investissement, impôts, dividendes…).
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